Le Programme d’Éducation au Talent Musical (PETM) de l’INEPE

Qu’est-ce que le Programme d’éducation au talent musical ?

L’INEPE (Institut de Recherche, d’Éducation et de Promotion Populaire de l’Équateur) est une organisation communautaire, créée en 1985. L’éducation y est multidisciplinaire. Les enfants apprennent notamment la musique dès le plus jeune âge au sein du PETM, dans lequel est employée la méthode Suzuki. Des enseignants du programme sont formés à cette méthodologie éducative pour l’enseignement de différents instruments : une méthode pédagogique innovante. Cela concerne le piano, le violon, le violoncelle, la guitare, la flûte traversière, la flûte à bec ou le saxophone. L’objectif est d’apprendre aux élèves à développer leur sensibilité et leur confiance en eux, mais aussi à se responsabiliser dans un environnement affectueux. Le PETM est devenu une telle référence qu’il est diffusé dans tout le pays grâce à des réseaux d’éducation internationaux. Il est par ailleurs reconnu par le Ministère de l’Éducation Équatorien.

 

Que permet-il ?

Le PETM se déroule collectivement, dans un contexte propice au dialogue et à la construction collective des savoirs. Il aide les enfants ou adolescents à construire leur perception et à vivre leurs propres expériences. Cette méthode d’apprentissage promeut la tolérance, la concentration et l’émancipation intellectuelle.

La méthode Suzuki, reposant sur les principes d’éducation populaire, consiste en une liberté de parole. Elle favorise l’esprit critique et la prise de conscience de la place occupée dans la société. Elle tend à apprendre aux élèves du programme à se constituer collectivement et à expérimenter leur capacité d’agir.
D’après les témoignages des élèves ayant participé ou participant au PETM, cette expérience leur a été très bénéfique. En effet, c’est pour eux une opportunité de sortir d’un quotidien récurrent souvent difficile et d’apprendre et comprendre de nouvelles choses sur eux-mêmes. De cette manière, ils se créent de nouvelles expériences de vie, tout en renforçant leurs liens dans la collectivité et leur famille, actives dans ces projets.

C’est dans le cadre du PETM qu’est organisé le projet pédagogique, culturel et artistique, illustré par une tournée musicale de 8 dates en France (Tournée INEPE 2019).
De nombreuses rencontres seront également organisées tout au long de la tournée, avec des chorales (dont celle de la Maîtrise de la Loire), des lycées et collèges. Elles favoriseront les échanges autour de l’art et de la musique.

La méthode Suzuki

Comment est-elle née ?

La méthode Suzuki a été fondée par le violoniste Japonais Shini’chi Suzuki, qui désirait apporter de la beauté dans la vie des enfants de son pays après les ravages de la Seconde Guerre mondiale. D’abord développée dans son pays, sa méthode baptisée en japonais saino kyoiku, a su dépasser les frontières pour arriver entre autres, jusqu’en Équateur.
Cette méthode est une philosophie pédagogique employée principalement pour la musique. Elle s’appuie sur l’apprentissage rapide des enfants de leur langue natale. Suzuki en déduisit que si les enfants avaient des facilités pour acquérir de nouvelles langues, on pouvait en tirer parti pour leur enseigner à jouer d’un instrument. Il explora le premier l’idée que n’importe quel enfant de maternelle pouvait apprendre à jouer d’un instrument. Il faut pour ce faire que l’apprentissage soit adapté, et la taille de l’instrument réduite pour convenir à un enfant.

En quoi consiste-t-elle ?

La méthode requiert de commencer à jouer très tôt, dès 3 ans, de soigner le répertoire et de donner des cours en groupe. Elle repose également sur une grande implication des parents, au moins pendant les premières années. Ceux-ci participent aux cours et sont le relais du professeur auprès de l’enfant pour l’aider à progresser.
La méthode s’appuie, comme pour le langage, sur la mémoire et la coordination des sons. Shini’chi Suzuki a en effet imaginé reproduire l’apprentissage d’un instrument à la façon dont les enfants apprennent à parler leur langue maternelle, par mimétisme.

Sa principale caractéristique est d’apprendre un instrument sans avoir recours au solfège ni à une quelconque lecture de notes. Ainsi, les élèves apprennent à jouer de la musique avant de savoir la déchiffrer, tout comme ils apprennent à parler avant de savoir lire. À défaut de partition, la pédagogie Suzuki repose sur la capacité de l’enfant à mémoriser et sur sa capacité d’écoute.
C’était à l’origine une démarche tout à fait novatrice, qui révolutionnait les pratiques traditionnelles de l’apprentissage de la musique.

Plus qu’une pédagogie musicale, la méthode Suzuki contribue au développement global de l’enfant. Le violoniste conçoit la musique comme un moyen. Il a pour principal objectif de former des êtres bons, sensibles, qui travaillent en coopération et font preuve de réflexion.
Ce n’est pas par hasard que Shini’chi Suzuki avait baptisé son mouvement Talent Education Mouvement. Il s’agit autant d’apprendre la musique que d’apprendre à réaliser de belles choses. « D’un beau cœur sort de la belle musique » disait souvent Suzuki.

> En savoir plus sur la méthode Suzuki

L’éducation populaire selon Paulo Freire

Qui est Paulo Freire ?

Paulo Freire est né en 1921 à Recife dans le Nordeste brésilien. Ce pédagogue est considéré comme le créateur et principal représentant du concept d’éducation populaire. Avant lui, des figures politiques telles que Simon Bolivar ou Che Guevara avaient été initiateurs et précurseurs de ce mouvement.
Paulo Freire fut professeur et travailla au département de l’éducation et de la culture au Brésil. C’est à cette occasion qu’il développa sa technique d’alphabétisation des adultes. Il revendiquait vouloir donner la parole aux « opprimés » et faire naître un esprit critique chez les individus des régions les plus défavorisées du Brésil.
Il publia plusieurs livres sur le sujet, dont « pédagogie de l’opprimé » ou « pédagogie de l’espoir ». Par ailleurs, il participa à des programmes de formation avec des éducateurs sur le terrain, et prit part aux mouvements d’éducation populaire en Amérique Latine.

Son engagement en faveur des populations les plus pauvres lui valut des années d’exil et de prison lors de la dictature militaire des années 60 au Brésil. La junte le considérait alors comme un « agent de subversion international ».

Le courant d’éducation populaire

Ce courant pédagogique a pour conviction que l’éducation permet de créer et de construire « d’autres mondes possibles ». Il s’est développé à partir des années 60 en réponse aux inégalités, à la pauvreté et à la montée de régimes dictatoriaux en Amérique Latine.
Par des actions de défense des Droits de l’Homme, de promotion de la paix et de défense de l’environnement, il prônait une société plus juste et humaine. Pour Freire, éduquer est une pratique politique : « l’éducation en soi ne change pas le monde, mais sans elle, il est impossible de le changer ».

Selon Paulo Freire, l’objectif de l’éducation est d’amener éducateurs et éduqués à « apprendre à lire la réalité pour écrire leur propre histoire ». Cela suppose une compréhension critique du milieu et une action pour le transformer. C’est autour de cette réflexion et par le biais du dialogue, qu’éduqués et éducateurs se constituent en sujets.
Pour lui: « Personne ne sait tout, ni personne n’ignore tout, personne n’éduque personne, personne n’éduque seul, les hommes s’éduquent entre eux par la médiation du monde. » La connaissance de la réalité n’est alors ni un acte individuel ni purement intellectuel, mais un processus collectif.

L’éducation existe en raison du caractère inachevé de l’être humain. Il a alors besoin des autres pour connaitre le monde et le transformer, en vue de réduire les injustices. La solidarité est la base de cette méthode. Elle veut que nous apprenions les uns des autres, grâce à un échange réciproque de savoirs et savoir-faire. En définitive, les 3 mots clés sont le respect, l’écoute et le dialogue.
Le processus éducatif de connaissance du monde n’est jamais définitif car celui-ci se transforme et les individus avec lui. C’est pour cette raison qu’il est nécessaire de développer une pédagogie de la question et non de la réponse.

Sa mise en œuvre concrète

Cette méthode ne consiste pas seulement en un apprentissage basique de l’écriture et de la lecture, mais en une complémentarité de savoirs. L’idée est de s’appuyer sur le milieu social et le niveau socio-culturel de l’élève. Il doit, dans le cadre d’un apprentissage, percevoir ses propres réalités et problèmes.
Paulo Freire travaille ainsi sur une éducation « conscientisante » qui propose aux individus d’envisager leur situation comme un problème à résoudre. Celle-ci se fonde sur le dialogue et l’apprentissage contextualisé, plutôt que sur le fait d’imposer des idées et des savoirs vides de sens et d’intérêt.

Le principal objectif de l’éducation populaire consiste donc à amener les personnes à être en situation de faire, en reconnaissant leurs capacités et la potentialité qu’ils ont de les développer.
Freire a établi la « pédagogie de l’espoir », qui surmonte l’idéologie du fatalisme, du conformisme et de la déception que le pouvoir dominant veut imposer à tout prix. À la mentalité du « on ne peut rien y faire », il faut opposer le droit de rêver qu’« un autre monde est possible ». Autrement dit, la pédagogie doit contribuer à construire des rêves, réinventer des utopies et semer l’espoir dans le changement.

L’éducation populaire et l’INEPE : une méthode pédagogique innovante

L’INEPE a, depuis sa création, adopté l’éducation populaire comme mode de vie. Ce concept encourage l’esprit critique et le dialogue, permettant l’éducation à la tolérance. Elle promeut le développement de méthodes participatives et innovantes d’interaction.
L’INEPE favorise le dialogue des savoirs pendant les cours. Il consiste par exemple à faire cohabiter les savoirs de la culture andine et ceux plus modernes. Ce principe est appliqué à l’apprentissage de la musique. Cela s’illustre notamment par l’utilisation d’instruments contemporains et d’autres ancestraux tels que les « pallas », sortes de flûtes de pan.

L’Institut s’attache également à la construction collective du savoir. Il tend à développer les apprentissages en fonction des questions que se posent réellement les enfants et non pas sur des théories abstraites. Il développe une pédagogie de la question défendant l’idée qu’il n’y a pas de question stupide ou de réponse définitive. Ces mécanismes créent ainsi un climat de proactivité en salle de classe.
Les enseignants jouent un grand rôle dans l’application de cette méthode d’éducation. Il est nécessaire qu’ils valorisent les questions posées par les élèves. De cette manière, ils pourront en apprendre davantage sur les thématiques qu’ils abordent, supposément celles qui les intéressent. De plus, les questions font profiter toute la classe d’une construction collective du savoir. Les élèves peuvent, de cette manière, développer leur confiance en eux. La capacité d’écoute et la bienveillance des professeurs créent un climat propice à l’acquisition de nouvelles connaissances.
Dans cette lignée, l’INEPE n’oblige personne à participer aux activités éducatives, considérant que ça n’apporte que mécontentement et frustration. L’association tient au développement de pratiques démocratiques. Cela consiste en une liberté de parole octroyée à chacun à part égale, sans aucune forme d’autoritarisme.