Un département déjà fragile doublement touché
Depuis plusieurs mois, Mayotte traverse une crise humanitaire d’une ampleur inédite. Le 14 décembre 2024, le cyclone Chido a frappé l’île avec une violence inouïe, causant la mort de dizaines de personnes et détruisant des milliers d’habitations. Écoles fermées, hôpitaux débordés, réseaux d’eau et d’électricité hors d’usage : toute l’île s’est retrouvée paralysée. Dans ce contexte d’urgence, vous avez été nombreuses et nombreux à répondre à notre appel, permettant à notre partenaire local, l’association le VILLAGE D’EVA, d’apporter un soutien immédiat aux enfants les plus vulnérables. Grâce à vous, les premières aides ont pu être déployées et les efforts de reconstruction ont commencé.
Mais, alors que l’île tentait de se relever, un second cyclone, Dikeledi, a frappé Mayotte dès janvier 2025. Moins puissant mais tout aussi destructeur, il a causé des inondations, des glissements de terrain et des déplacements massifs de population. Plus de 14 000 personnes ont dû être relogées dans des abris d’urgence. Ce double choc a aggravé une situation déjà extrêmement préoccupante.
Avant même ces catastrophes, Mayotte faisait face à des défis structurels immenses : plus de trois quarts de la population vivaient sous le seuil de pauvreté, près de 40 % des logements étaient insalubres, et l’accès à l’eau potable était déjà critique à cause de la sécheresse et du manque d’infrastructures. La crise sanitaire s’est rapidement aggravée avec la prolifération de maladies hydriques comme le choléra, rendant le quotidien des familles – et tout particulièrement celui des enfants – encore plus difficile.
Sur place, l’association le VILLAGE D’EVA, soutenue par PARTAGE, joue un rôle crucial dans cette crise. Reconnue d’intérêt général, elle concentre depuis sa création en 2015 ses efforts sur l’amélioration des conditions de vie des enfants en grande précarité, notamment par l’accès à l’éducation et l’accompagnement des familles. L’association accueille chaque année entre 600 et 800 enfants âgés de 3 à 16 ans dans ses quatre centres, où elle leur offre également une aide alimentaire.
Aujourd’hui encore, le VILLAGE D’EVA constate les conséquences du cyclone Chido sur les enfants qu’elle accueille. Si la précarité matérielle s’est accrue, elle s’accompagne aujourd’hui plus qu’avant d’une réelle précarité émotionnelle. Les changements de morphologie des quartiers, la perte de proches (familles, amis…), le déracinement impactent considérablement les enfants, dont la majorité sont en difficulté pour exprimer leur douleur. Et il faut bien retenir que si Chido a été d’une violence sans nom, il a surtout réactivé des traumatismes déjà existants chez les jeunes, auxquels leur parcours les avait préalablement confrontés.
De manière plus factuelle et globale, aujourd’hui encore certains des centres du VILLAGE D’EVA n’ont pas retrouvé de connexion internet et de ligne fixe, rendant plus compliqué le maintien du lien avec les familles. Les approvisionnements en nourriture restent aussi complexes (peu de choix pour diversifier les repas servis aux jeunes, retards de livraison, difficulté à trouver des fruits et légumes frais…), mais les enfants accueillis continuent de recevoir un repas chaque jour. Les coordinatrices des 4 centres du VILLAGE D’EVA soulignent d’ailleurs l’importance de l’engagement des équipes : « Dès le lendemain du passage de Chido, les équipes – bénévoles comme salariées – se sont rendues dans les centres. Malgré des temps compliqués, toutes se sont battues pour réaccueillir les enfants le plus rapidement possible, alors mêmes qu’elles avaient été impactées personnellement par le cyclone. Au-delà de leur apport pédagogique auprès des jeunes, c’est leur détermination à leur donner le sourire, à imaginer des activités, à créer du lien entre eux et à trouver une solution à chaque problème qui doit être soulignée ».
Et l’enjeu autour de l’accueil de ces enfants est particulièrement crucial aujourd’hui. On le sait, lors d’une catastrophe, ce sont les personnes les plus vulnérables qui sont le plus durement touchées.
Si l’impact du cyclone n’est à minimiser pour personne, les conséquences sur des populations qui possédaient déjà peu sont d’autant plus dramatiques. Si l’on constate que les bangas (habitation en tôle précaires des quartiers non lotis) ont été reconstruits rapidement après Chido, il n’en reste pas moins que la destruction d’un banga symbolise l’effondrement d’un lieu de vie à part entière pour ces familles. Les déménagements de certaines familles ont conduit à l’éloignement avec un meilleur ami, un membre de la famille… Autant de repères pour des enfants pour qui le lien est particulièrement important.
Sur le plan de l’accès aux droits, le cyclone a également causé la perte de nombreux documents administratifs indispensables à la scolarisation des enfants. Le VILLAGE D’EVA le constate chaque jour, lors de l’inscription de nouveaux enfants. Et l’enjeu de l’accès à l’école est renforcé par la question de l’accès aux autres droits. Dans un contexte où, lors des maraudes du mois de février, certaines familles rencontrées racontaient ne pas avoir eu accès à des soins depuis le premier cyclone de décembre, l’école représente pour les enfants, au-delà d’un lieu d’apprentissage, un lieu dans lequel ils peuvent être soignés, nourris, divertis… Et c’est tout cela que votre soutien à PARTAGE permet d’apporter aux enfants.
Le VILLAGE D’EVA : une présence essentielle dans la tourmente
La mobilisation des donatrices et des donateurs a permis au VILLAGE D’EVA de relancer progressivement ses activités, sans jamais cesser de répondre aux besoins essentiels des enfants les plus exposés. Concrètement plusieurs axes d’actions ont été menés.
D’abord, la réouverture des centres. Jusqu’à la fin du mois de janvier, l’action du VILLAGE D’EVA s’est tournée vers l’urgence. Dans le cadre de partenariats, le VILLAGE D’EVA a pu fournir plus de 35 000 repas, à hauteur de 1 600 repas par jour distribués par les équipes, aux habitants proches des centres.
En parallèle, les maraudes ont permis de retrouver ou d’avoir des nouvelles de la majorité des enfants accompagnés préalablement et de les accueillir pour des activités pédagogiques dès le mois de février. Depuis, c’est avec beaucoup de joie que les équipes de l’association ont vu les centres se remplir à nouveau et les activités annexes reprendre. Avec les partenaires locaux, les activités de lecture de contes, de découverte du numérique, de sensibilisation ludique à la santé mentale ou de pratique sportive, ont pu reprendre. Si les mots peuvent sembler forts, les équipes qualifient cette période de « nouveau souffle » pour l’association, mais aussi au niveau personnel. Voir les enfants sourire, venir avec plaisir, créer du lien entre eux à nouveau, a parfois contribué à panser les blessures liées aux cyclones et à rappeler à chacun le sens de sa mission.
Par ailleurs, grâce aux actions conjointes du VILLAGE D’EVA, les actions de santé et d’hygiène, déjà importantes avant Chido, mais primordiales dans le post-crise, ont pu reprendre. Une campagne de rattrapage vaccinal a été menée dans les centres, permettant la vaccination de plus de 500 enfants, les maraudes ont permis d’aller soigner des personnes directement dans les bangas et des kits d’hygiène ont été distribués gratuitement aux familles.
L’important maintenant est de ne pas relâcher les efforts et de rappeler que l’urgence continue. L’accès à l’eau et à la nourriture reste très complexe pour les bénéficiaires du VILLAGE D’EVA et la question de la santé mentale est particulièrement importante. Ainsi, les activités se multiplient pour apporter de la joie aux jeunes et leur offrir des espaces d’expression de leurs émotions. Dans les semaines qui viennent, des ateliers d’expression des émotions via le sport seront menées et les équipes seront formées pour que ces activités fassent partie intégrante de l’outil pédagogique du VILLAGE D’EVA. De même, les sensibilisations à la vie affective, relationnelle et sexuelle reprennent progressivement, autour de thèmes tels que le consentement, la connaissance du corps, la contraception… Grâce à votre soutien, le VILLAGE D’EVA peut avoir un impact durable sur le développement des enfants, en participant à une mission de protection de l’enfance.
Enfin, lorsqu’on interroge les enfants sur ce qui les motive à fréquenter l’école, voici les raisons qu’ils partagent :
- « Pour avoir un avenir meilleur, découvrir de nouveaux trucs sur l’informatique qui est ma passion et devenir pilote », Prince, 11 ans
- « Parce que si je ne vais pas à l’école, je vais abîmer ma vie. Je veux aller à l’école pour me faire beaucoup de camarades, découvrir plein de choses en maths, en français et aussi le sens de la vie. », Angel, 13 ans
- « Parce que mes professeurs me donnent un repas, et pour écrire bien et lire bien. », Thaminat, 12 ans
- « Pour me permettre de préparer une meilleure vie, d’avoir une bonne éducation en dehors de chez moi, et de communiquer avec les autres. Pour savoir gérer mon argent, et savoir résoudre mes problèmes. », Ismael, 12 ans
- « Parce que je veux apprendre la lecture. », Martina, 9 ans
- « Pour que mes parents soient fiers de moi, pour devenir riche pour récompenser mes parents et ma famille. », King, 13 ans
- « Parce que je me sens bien à l’école. », Ahnria
- « Parce qu’à l’école on nous donne des défis, et que l’école c’est aussi un endroit d’amitié, de respect et de solidarité. A l’école on est une famille, on est tous unis. », Daniel, 14 ans
- « Parce que sans l’école, on n’est plus rien. », Soyfidine
- « Pour avoir des choses à moi et ne pas vouloir quelque chose de quelqu’un. », Laïliya
On ne lâche rien
Aujourd’hui, le besoin d’aide reste immense. Les enfants accompagnés par le VILLAGE D’EVA sont encore confrontés à des conditions de vie extrêmement précaires : perte de leur maison, interruption de leur scolarité, insécurité alimentaire, stress post-traumatique. Leur journée dans nos centres est leur ilot de résilience ! Les équipes restent pleinement mobilisées, mais votre soutien demeure essentiel. Au-delà des actions que vos soutiens permettent, faire vivre une association comme le VILLAGE D’EVA, c’est aussi exprimer aux jeunes qu’ils ne sont pas seuls, qu’on se soucie d’eux et qu’ils sont importants. Nous avons besoin de votre soutien pour poursuivre et intensifier notre action.