Depuis plusieurs années maintenant, le concept de genre est au cœur du débat public, en France comme à l’international. Mobilisé tour à tour pour parler des problèmes de harcèlement sexuel, de discriminations ou encore d’inégalités, il devient également de plus en plus présent dans les projets de développement. Ainsi, au travers de son dispositif de projets courts, Partage soutient deux actions, l’une au Burkina Faso l’autre au Népal, autour de la thématique du Genre.
Comment ces projets s’inscrivent-ils dans un mouvement ancien du secteur du développement  ? En quoi sa prise en compte dans un projet de développement est-elle perçue comme cruciale par un très grand nombre d’acteurs du secteur ? Et enfin, à quels besoins spécifiques répondent les projets soutenus par Partage ?

L’introduction du concept de Genre dans les projets de développement : une dynamique ancienne

La conceptualisation du Genre en tant que champ d’étude des sciences sociales n’est pas récente, puisqu’on la doit à Emile Durkheim. En effet, le célèbre sociologue français est le premier à faire le constat que les différences en termes de comportements attendus par la société et de rôles occupés dans celle-ci ne peuvent être justifiées par le sexe biologique d’un individu, et qu’il faut pour les comprendre intégrer des facteurs culturels et traditionnels.

Déjà, l’on peut constater que l’idée fondamentale du Genre est délimitée par Durkheim en ce qu’il différencie le sexe biologique d’un individu (qui est attribué à la naissance et dote tout un chacun d’un appareil génital masculin ou féminin(1)) d’une part, et le genre (ensemble de comportements attendus par la société et considérés comme acceptables par rapport au sexe de l’individu) de l’autre.

Cette idée a continué d’irriguer les sciences sociales, mais également la philosophie au cours du XXème siècle et a été envisagée comme un cadre d’analyse sur les rapports de pouvoirs entre hommes et femmes. À ce titre on peut penser à la fameuse phrase de Simone de Beauvoir « On ne naît pas femme, on le devient », qui à elle seule exprime toute la construction de la féminité par des attendus sociétaux.

Le concept de Genre est repris dans le champ du développement dès les années 80, et plus particulièrement en 1995 par la Conférence de Pékin sur le droit des femmes organisée par l’ONU. À cette occasion, une Déclaration et un Plan d’action ont été adoptés, reconnaissant l’importance des inégalités hommes-femmes comme frein au développement et recommandant une série d’actions en faveur de l’autonomisation des femmes et des filles(2).

Cette déclaration, qui va fêter ses 25 ans cette année, a donc été le point culminant d’une longue réflexion visant à intégrer les questions d’égalité hommes-femmes, mais aussi les rapports de pouvoir et les freins qu’ils peuvent constituer au développement d’une population donnée.

L’intérêt principal de cette approche est qu’elle permet d’identifier les inégalités existantes entre les genres et d’en expliquer les causes et les conséquences. Cela est de fait particulièrement intéressant dans le cadre de projets de développement visant à réduire les inégalités, mais aussi à aider les populations les plus vulnérables à réaliser leur plein potentiel et à ne plus être dépendantes de la charité d’autrui.

Pour aller plus loin, on peut se référer aux travaux de Christine Verschuur, professeur à l’Institut Universitaire d’Études du Développement de Genève, qui travaille depuis plus de 20 ans sur les questions de Genre et de Développement (3).

Le Genre dans les projets de développement

L’intégration du Genre dans les projets de développement est cruciale, car un projet qui n’intégrerait pas cette dimension prendrait le risque de renforcer les inégalités déjà existantes entre hommes et femmes et pourrait, à terme, n’améliorer la situation et l’avenir que d’une partie de la population. Pourrait-on considérer comme réussi un effort de développement qui oublierait la moitié de sa cible et rendrait cette part encore plus dépendante de l’autre ?

Le secteur est ainsi parti d’un constat simple mais terrible  : au sein d’une population vulnérable donnée, les femmes et les filles le sont encore plus. Des grossesses précoces à la préférence accordée aux fils en passant par les mariages forcés dès la puberté, les femmes sont souvent victimes d’importantes discriminations qui impactent non seulement leur santé physique et psychologique, mais voient aussi leurs possibilités d’avoir une vie indépendante et autonome grandement réduites.

L’objectif central d’un projet de développement n’est pas seulement de répondre aux conséquences d’une situation de vulnérabilité mais également d’en cibler les causes. L’adage de l’homme auquel on apprend à pêcher est bien connu, et constitue en quelque sorte la colonne vertébrale des efforts des différents acteurs du développement. En effet, si on se limitait aux conséquences, le grand risque serait de rendre dépendantes les personnes que l’on souhaite aider par notre action. Or, il est évident que pour des raisons de durabilité dans le temps de nos efforts, mais avant tout d’éthique et de morale, il est impensable de placer des personnes vulnérables dans cette position.

En intégrant la théorie du genre au stade de l’identification des besoins d’une population bénéficiaire, les acteurs du développement peuvent mieux comprendre et cibler les causes et conséquences des discriminations hommes-femmes et apporter un soutien particulier à celles qui en ont le plus besoin pour leur permettre de s’autonomiser, et donc de s’assumer par elles-mêmes.
Ainsi, les projets de développement intègrent à présent des actions spécifiques destinées aux femmes et aux filles pour répondre à des discriminations elles aussi spécifiques, avec un même objectif final : permettre à chaque individu de réaliser son potentiel et de devenir un acteur indépendant et autonome au sein de sa communauté.

Le Genre dans l’éducation

Inclure des thématiques de Genre dans l’éducation est la suite logique du processus précédent, et comporte deux aspects complémentaires.

Le premier est de sensibiliser les élèves aux clichés liés au Genre dans leur contexte culturel et de les amener à les questionner. Ce sont des messages importants, en ce que ces clichés vont légitimer des comportements violents, discriminants ou encore excluants vis-à-vis des femmes et des filles principalement, mais également vis-à-vis de celles et ceux qui ne suivraient pas une norme arbitrairement établie.

Le second est directement en lien avec les projets des partenaires de Partage, en ce qu’il permet d’identifier les obstacles spécifiques que rencontrent les jeunes filles dans leur parcours scolaire, obstacles qui réduisent leurs chances d’accéder à des études supérieures et donc d’avoir accès à un meilleur avenir.

> Pour lire les témoignages en rapport avec ce sujet, téléchargez le bulletin trimestriel 176.

1 – Sans nier pour autant l’existence d’individus intersexués (aussi qualifié d’hermaphrodite dans le langage courant) qui représenteraient selon l’ONU 1,7 % des naissances. (www.unfe.org/intersex-awareness)
Précision : Cependant, toutes les personnes intersexuées ne possèdent pas des caractéristiques physiques apparentes émanant des deux sexes, et il peut s’agir de productions d’hormones liées à l’un ou l’autre sexe (testostérones, oestrogènes…).
2 – Plan d’Action de Beijing 
3 – Ses travaux, publiés chez l’Harmatan, sont disponibles ici.