Éducation @distance : les enjeux pédagogiques

Depuis plus de quinze ans, PARTAGE anime un réseau de partenaires PARTAGE RISE. L’objectif majeur de cette mise en relation entre associations locales de terrain est le partage d’expériences sur des thématiques d’intervention communes. En 2020, au moment de la pandémie de COVID-19, PARTAGE a initié des échanges pour permettre aux partenaires de croiser les regards sur les contextes et les réponses que chacun apportait à cette situation inédite. Alors, l’envie de partager des pratiques d’éducation à distance a concrètement émergé.

Dès mars 2020, le monde entier a été confronté à la brusque fermeture des écoles. Pour assurer la continuité des enseignements, les communautés éducatives se sont organisées pour trouver des alternatives. Les membres de PARTAGE RISE n’ont pas fait exception, ils ont relevé le défi de l’éducation à distance. Même si certains avaient déjà une expérience dans ce domaine, il est certain que la crise de COVID-19 a été un accélérateur et a permis à beaucoup d’organisations de franchir le pas.

Saisissant l’opportunité d’un appui technique et financier du F3E (un réseau apprenant d’actrices et d’acteurs de la solidarité et de la coopération internationale dont PARTAGE est membre), PARTAGE a décidé de se lancer dans l’aventure de la capitalisation « @distance : les enjeux pédagogiques ». Ainsi, pendant plusieurs mois, PARTAGE, accompagné par des consultants du CIEDEL (Centre International d’Études pour le Développement Local, basé à Lyon, est un centre de formation et d’appui au développement local), a mené une étude pour recenser et analyser les initiatives mises en place par 10 membres du réseau PARTAGE RISE. Ce travail illustre de façon très concrète la manière dont ces derniers se sont organisés pour apporter des réponses adaptées en fonction des contextes et réalités de chacun. Concrètement, les contributeurs ont participé à des visio-conférences, complété des questionnaires et décortiqué leurs initiatives pas à pas.

Parmi ces dix contributeurs, quatre ont eu l’occasion d’approfondir leur expérience sur des sujets porteurs :

  • L’animation d’un dispositif de bibliothèques mobiles croisant les expériences de MAEECHA aux Comores et VAHATRA à Madagascar.
  • La formation en ligne des enseignants par BIKALPA au Népal.
  • L’accompagnement des parents d’enfants porteurs de handicap à travers des supports numériques au SESOBEL au Liban.
  • La mise en place d’un dispositif de cours par la radio, développé par MAEECHA aux Comores.

Ces quatre thèmes ont donné lieu à la rédaction de « fiches pratiques », qui décrivent et analysent les dispositifs mis en place : ce qui est intéressant, les limites, les moyens de mise en œuvre nécessaires, les erreurs à ne pas commettre. Tout ce qui peut permettre à d’autres structures de tenter la même aventure.

ZOOM : Création et diffusion d’émissions radio éducatives

Création et diffusion d’émissions radio éducatives par MaeechaPourquoi mettre en place ces émissions ?

MAEECHA a mis en place des cours via la radio alors que les écoles étaient fermées à cause de la COVID-19 pour permettre la continuité pédagogique, faciliter le passage des examens à la fin du CM2 et faire face à la fracture numérique (de nombreuses familles n’ont pas accès à internet).

Comment s’est mis en place ce dispositif ?

  • En réalisant des émissions pré-enregistrées en mathématiques, français et activités d’éveil ;
  • En créant des supports écrits en parallèle, distribués dans les familles ;
  • En synthétisant les apprentissages pour une écoute active (message court et simple) ;
  • En questionnant les élèves, via les cahiers, pour une interaction même virtuelle ;
  • En sensibilisant la communauté sur les horaires de diffusion ;
  • En équipant en poste radio les familles les plus vulnérables.

Pourquoi l’émission radio éducative est-elle intéressante ?

  • Elle permet à l’enfant de travailler son écoute, alors qu’à distance le travail est souvent visuel ; elle est utilisée en complément de supports matériels et devient un outil complet ;
  • Elle peut permettre de toucher un grand nombre d’enfants ;
  • Elle a un aspect « événementiel » et social qui peut permettre à des enfants de se rassembler  ; quotidiennement, c’est un moment motivant pour l’enfant ;
  • Les enseignants produisent des leçons plus synthétiques qui mettent en valeur l’essentiel, ce qui est applicable également en salle ;
  • Le cahier éducatif peut permettre de garder un lien entre l’enseignant et l’enfant.

Comme dans l’exemple de MAEECHA, cette capitalisation a mis en lumière la grande capacité des membres de PARTAGE RISE à s’adapter à un contexte inédit et anxiogène, à repenser leur pédagogie, à proposer des solutions originales. Ils ont fait preuve de résilience pédagogique ! La transition presque «  forcée  » vers les apprentissages en ligne les a conduits à innover, inventant de nouvelles manières de faire et d’assurer, autant que possible, la continuité pédagogique.

Cette étude a permis de tirer des enseignements sur l’éducation à distance, à la fois pour l’améliorer, mais aussi pour repenser la pédagogie en présentiel. À travers l’exemple des cours via la radio, MAEECHA peut aujourd’hui poursuivre la sensibilisation des enseignants sur la manière de faire passer un message court en classe et ainsi mieux capter l’attention des élèves !
La traversée de cette crise a été une période d’apprentissage riche et intense pour tous : les enseignants contraints de s’adapter à de fortes contraintes et de s’approprier à la hâte de nouveaux outils ; les enfants pour qui l’absence de relations avec les professeurs et les camarades n’était pas toujours facile, tant humainement que « techniquement » ; les parents qui se sont découverts de « nouveaux talents » et ont dû s’improviser relais d’enseignement. Chacun, à son niveau, a fait preuve d’adaptation, de souplesse, de créativité. Il s’agit là d’un signe d’espoir : ces forces puisées en chacun peuvent être mobilisées à nouveau, si une telle situation de crise ou de rupture scolaire venait à se reproduire.

Petit précis méthodologique. Nous parlons de capitalisation mais…  qu’est-ce que la capitalisation ?

« Un processus de capitalisation consiste à identifier, analyser, expliciter et modéliser le savoir acquis lors d’une expérience de projet pour que d’autres puissent se l’approprier, l’utiliser et l’adapter, ou ne reproduisent pas les mêmes erreurs3 » .

En d’autres termes, la capitalisation, c’est l’occasion de réfléchir sur ses propres actions, de prendre le temps du recul et de l’analyse.

Il est possible d’apprendre des expériences et pas uniquement des livres ! C’est une manière aussi de « décomplexer  » l’expertise et de valoriser tout un chacun : prendre conscience de son savoir, de son savoir-faire mais aussi de son savoir-être.

La capitalisation permet également de collecter et d’enregistrer la mémoire d’une organisation ; pour aider au pilotage d’actions futures. Ainsi, les acteurs évitent l’écueil souvent rencontré de « réinventer la roue » !

L’enjeu majeur d’une capitalisation est de transmettre, partager, diffuser les bonnes pratiques identifiées. Cela permet de renforcer les capacités des organisations et d’inspirer les autres, de constituer des « communautés ».

Regroupés autour de savoirs communs, les ONG peuvent travailler en synergie, défendre des pratiques collectives et porter un plaidoyer argumenté et construit.

Témoignage croisé entre membres du COPIL

Pour favoriser l’appropriation de la démarche de capitalisation, deux partenaires ont activement contribué au processus. Fanja RANDRIAMBOLOLOTIANA, Responsable du Volet social de l’ONG malgache VAHATRA et Youssouf DAINANE, Responsable du Programme Education de l’ONG MAEECHA aux Comores ont eu cette responsabilité et nous apportent leur témoignage.

PARTAGE : Pouvez-vous nous expliquer en quelques lignes pourquoi vous avez souhaité prendre part à cette aventure de la capitalisation ?

Fanja R : En ce qui concerne VAHATRA, nous avons répondu positivement à l’invitation de PARTAGE car la thématique de l’éducation à distance fait partie de nos domaines d’intervention et que c’est un des axes de développement importants en matière d’éducation. D’autre part, nous pensons que les échanges avec les autres associations qui, comme nous, ont mis en œuvre des activités spécifiques sont toujours intéressants et enrichissants : pourquoi les autres ont-ils fait de telle ou telle manière ? comment s’y sont-ils pris ? quelles difficultés ont-ils eu à affronter ? Toutes ces questions, nous les partageons ! N’est-ce pas Dainane ?

Youssouf D : Je suis d’accord avec toi Fanja. La démarche de capitalisation est, pour nous aussi à MAEECHA, au cœur de notre approche d’intervention en Education. En 2023, nous souhaitons interroger notre démarche d’accompagnement des conseils d’école. Donc pour nous, participer à l’aventure sur l’éducation à distance a été riche en enseignements. L’accompagnement du CIEDEL, la formation réalisée ainsi que les appuis méthodologiques dont nous avons bénéficié, ont été en ce sens très formateurs.

PARTAGE : pouvez-vous expliquer, Fanja et Dainane, en quoi a consisté votre rôle dans cette étude ?

Youssouf D : en ce qui me concerne, mon rôle a été double. En tant que responsable de programme, j’ai présenté notre expérience à la fois sur l’enseignement par la radio ainsi que sur notre dispositif de bibliothèques mobiles. Mais ma participation ne s’est pas limitée à celle de « contributeur ». En effet, MAEECHA a fait partie du comité de pilotage (COPIL). Par exemple, nous avons, de concert avec PARTAGE et VAHATRA, rédigé les termes de référence qui cadraient précisément les enjeux, la méthode, le calendrier attendu pour l’étude. Nous avons également participé au choix des consultants qui allaient nous accompagner tout au long de la démarche. Peut-être Fanja as-tu des éléments à ajouter ?
Fanja R : Tout comme toi Dainane, j’ai été actrice à deux niveaux. En tant que contributrice, en expliquant et partageant notre expérience sur les bibliothèques mais aussi en tant que membre du COPIL. Je me souviens notamment de notre participation à la restitution élargie lors de laquelle nous avons présenté la fiche sur les bibliothèques auprès des 60 participants venus nous écouter. Il y avait des ONG françaises, de nombreux partenaires francophones du réseau PARTAGE RISE. Nous avons eu l’occasion de répondre directement aux questions des participants ; c’était un moment d’échanges important, valorisant pour notre expérience et une reconnaissance de notre savoir-faire  !

PARTAGE : Qu’est-ce que votre participation vous a apporté, pour vous, votre structure et vos projets ?

Fanja R : D’après moi, VAHATRA a pu acquérir des notions supplémentaires sur la capitalisation. Mais je dirais aussi que cela a valorisé nos expériences de terrain et nous a permis aussi de prendre conscience des innovations que nous avions apportées lors de cette période particulière. Nous avons aussi pu mieux comprendre en interne ce que nous faisons sur le terrain, nous avons pu prendre du recul sur ce que nous faisons en décomposant nos manières de faire, les disséquant et les couchant sur papier. Une trace restera. De manière plus personnelle, l’aventure a renforcé ma fierté et ma confiance envers mon équipe  !

Youssouf D : Pour mon collègue Soultoine et moi, cet exercice a apporté des notions claires sur la méthode de capitalisation. Il nous a confortés dans l’importance de capitaliser les actions que nous menons au quotidien et bien sûr de les partager avec d’autres acteurs qui veulent mettre sur pied une activité similaire. L’union fait la force !

PARTAGE : merci mille fois à vous deux pour votre implication dans ce travail collaboratif et bien sûr, pour votre témoignage !